Biographie de Jean Catoire par Malcom Bruno

Catherine Catoire | Malcom Bruno | Denis Havard de la Montagne | Nicolas Bacri


Le langage «de l'accord parfait» et de la répétition rituelle

   [...] Les fruits du travail [de Jean Catoire] se traduisent à travers une œuvre aussi significative que pratiquement inconnue qui, sur une période de plus de quarante-cinq années, anticipa et à bien des égards dépassa la musique beaucoup plus connue des compositeurs minimalistes.

   À la différence de la plupart de ses contemporains, Catoire a conservé le langage «de l'accord parfait» et de la répétition rituelle.  Mais à l’instar de la sculpture émancipée de la dernière période d'un Giacometti, on découvre dans ses œuvres de la maturité une inexplicable compression de l’espace vers une suspension du son continue et ininterrompue, stasis d'une ampleur toujours croissante et sans partage.  Le compositeur s'en explique «Si l'entendu existe, certes, il se manifeste d'abord dans la vision du son. Cette perception sonore n'a cessé de croître dans toutes mes recherches avec toujours une parfaite concordance entre le «vu» initial et simultanément à moi le réalisable vu dans absolu, structures architectoniques trouvant leur réalisation dans le plan sonore».

   La pensée musicale de Catoire est fondamentalement pythagoricienne : elle repose essentiellement sur le son musical pur dans lequel une préoccupation universelle envers le langage des mots et les rythmes du cœur ne sont d'aucune conséquence. En tant que «musique des sphères», elle ne reconnaît que la résonance et la pulsation de ce qui à l'état pur est perçu en tant que son. Les Antiennes du Requiem (1970), par exemple, font entendre une musique pure, exacte et impassible - cependant cette musique n'en demeure pas moins sensible. À la différence du style fragile et austère, d'Arvö Part, l'impassivité de Catoire offre une stimulation immédiate et sans fausse pudeur. Le refrain qui ouvre et conclut [le] Requiem et revient à maintes reprises tout au long de l'ouvrage, est tout aussi séduisant que n'importe quelle section des requiems de Fauré ou Duruflé ; mais contrairement à ceux-ci, néanmoins, jamais il ne se perd dans le drame ou le sentiment de son propre texte, Le Requiem proprement dit, œuvre tardive de 1991 que Catoire considère tel un post-scriptum du corps principal de son œuvre, témoigne encore des mêmes caractéristiques que les Antiennes antérieures, lesquelles sont peut-être, sur le disque Extasia, les meilleurs exemples de son style «pythagoricien».

   Malcom Bruno, 1999 - Traduction : Michel Roubinet

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