Compositeur particulièrement prolifique avec près de 500 numéros d'opus, Jean Catoire est décédé le 9 novembre 2005, à l'âge de 82 ans. Musicien original pour ne pas dire marginal, il se plaisait à écrire une musique volontairement dépouillée, répétitive, d'une lenteur inhabituelle cherchant ainsi à atteindre la pureté originelle du son, ou mieux encore à refléter «la vision du son». Nicolas Bacri a écrit que sa musique «est un univers dont le monde musical ne soupçonne pas encore l'originalité et l'importance».
Petit-neveu du compositeur russe d'origine française Georges Catoire (1861-1926), qui enseigna la composition au Conservatoire de Moscou, Jean Catoire est né à Paris le 1er avril 1923 de parents russes immigrés en France au moment de la Révolution russe. Sa mère, d'origine allemande, lui prodigue ses premières leçons de musique, puis il entre en 1938 tout naturellement au Conservatoire russe Serge Rachmaninoff qui avait ouvert ses portes une quinzaine d'années auparavant dans le seizième arrondissement parisien, sous l'impulsion de Chaliapine, Glazounov, Gretchaninov et Rachmaninoff. Dans cet établissement, il étudie le piano et la composition auprès de Pavel Kovalev, un ancien élève de Max Reger au Conservatoire de Leipzig installé à Paris depuis 1927, et de Vadim Butzov, un musicien de l'école russe. Sorti de cette école ses diplômes en poche, la seconde guerre mondiale l'oblige à interrompre ses études qu'il ne peut reprendre que bien plus tard. En 1949 à Tanglewood, aux Etats-Unis, il suit les cours d'été de Messiaen, mais, si cet enseignement lui élargit son horizon musical, Catoire se garde bien d'adhérer aux théories de ce maître à penser alors très en vogue et va même s'en éloigner dans son langage. C'est à cette époque qu'il étudie également la direction d'orchestre à Paris auprès du chef américain d'origine belge Léon Barzin, premier chef du New York City Ballet. Plus tard, lorsque Léon Barzin se fixe en France (1959), où il fonde la Société Philharmonique, son ancien élève deviendra son assistant.
De retour à Paris au début des années cinquante, Jean Catoire se forge son propre langage musical et va suivre un chemin qui l'éloigne peu à peu des courants traditionnels ou modernes alors en vogue. Refusant de pratiquer la musique comme un art dans lequel le son est sculpté pour être intégré dans un ensemble, il cherche plus précisément à le pénétrer en tant que vibration perceptible par l'oreille humaine, l'ordonnant savamment dans une contemplation mystique en dehors de toute pensée musicale habituelle. Il désire en somme retrouver l'origine divine du son, en s'abrogeant de toute forme artistique, se rapprochant en cela des incantations des musiques primitives où la musique est seulement utilisée comme le facteur déclenchant d'une réaction psychique. C'est sans doute pour cela que certaines œuvres de Catoire peuvent durer jusqu'à 12 heures, comme son opus 540 pour 4 violons ou 541 pour douze voix de femme et douze voix d'homme.