Jean Catoire (Paris 1923-2005) compositeur (suite)
Dans la même catégorie, se trouve aussi Scriabine, compositeur avec lequel Jean Catoire n’a ni affinité quant à son idéologie ni quant à l’aboutissement de sa recherche musicale mais dont il estime cependant hautement les oeuvres et dans lesquelles il apprit, notamment le “Divin Poème”, le “Poème de l’Extase”, les six dernières sonates pour piano, ce qui lui servit plus tard, après 1943, lorsqu’il fut pour la première fois placé face à un archétype sonore personnel.
Par contre, des compositeurs comme Pérotin, Guillaume de Machaut (dans la messe Notre-Dame), Bach, Haydn, Mozart, Beethoven (dans leur musique instrumentale), Schubert (dans le quatuor en Sol majeur et le quintette pour cordes en Do majeur), Schumann (dans ses symphonies) et Moussorgski “le dernier véritable transcripteur de l’anté-sonore en le sonore”, tous ces compositeurs de Pérotin à Moussorgsky, employaient une technique non obligatoirement d’écriture, mais de structuration de l’anté-sonore dans le sonore, d’organisation des rapports énergétiques initiaux, puis des rapports purement formels, une technique de préhension antérieure que Jean Catoire n’eût pas à apprendre, cette faculté de “voir” le phénomène anté sonore lui ayant été accordée, encore qu’il apprit progressivement que cette technique d’inscription ne devait pas être étudiée dans la “lettre” mais dans “l’esprit” et que dans les oeuvres des compositeurs avec les styles desquels il ressentait des affinités, il ne fallait point regarder la forme aussi parfaite fût-t-elle, mais chercher le mobile générateur de celle-ci, c’est-à-dire l’idée musicale anté sonore d’abord, sonore ensuite, celle-ci découlant toujours de celle-là.
À partir de 1957, avec sa dixième symphonie opus 98, Jean Catoire se sentit libre d’abandonner le style qui lui avait été enseigné. Il sut qu’il lui était désormais possible de procéder à la recherche d’une façon d’écrire dans laquelle les éléments structurels pourraient sans évolution de développement et sans variations (dans le sens musical du terme) se structurer en des contrepoints renversables dans lesquels certains éléments seraient en valeurs plus brèves que d’autres. Ce n’était point la forme répétitive (musique répétitive), car dans celle-ci la répétition est une intention du compositeur dans la facture musicale même, alors que dans ces compositions, et principalement dans celles qui suivirent plus tard, ce sont les éléments premiers de l’archétype qui, au lieu de se développer dans un mobile temporel, apparaissent dans un immuable présent intemporel, rendu ici par la présence continue d’une même image sonore dans laquelle les fonctions immobiles et mobiles sont toujours présentes et toujours simultanées dans l’absolu relatif (l’écrit) intimement associé à l’absolu absolu (le vu).