Jean Catoire (Paris 1923-2005) compositeur (suite)
Cet évènement, bien que pleinement intelligible, mais indépendant de sa volonté qu’il ne cherchait, ni surtout ne désirait, le contraignit à prendre la décision d’étudier la théorie puis la composition musicale, car croyait-il alors - et comme il le crut pendant un certain temps encore - ce qui lui était montré, et qu’il croyait devoir se réaliser en sons, était de la musique, comme celle que, enfant, on l’obligeait de force à travailler au piano./p>
Il eut alors le bonheur de rencontrer Vladimir de Bützov qui enseignait au Conservatoire Rachnmaninoff et qui, grâce à son génie d’investigation dans les oeuvres des autres compositeurs autant que dans les travaux qu’il lui apportait, lui fit entrevoir sinon réaliser pleinement, le problème de la transcription de l’anté-sonore en le sonore. C’est alors - dira-t-il - qu’il apprit “à penser musique”. A la même époque, toujours au Conservatoire Rachmaninoff, l’enseignement de Paul Kovalev pour le piano et la composition lui apportèrent également beaucoup.
En 1948, ayant reçu une bourse pour suivre, à Tanglewood, un masterclass d’Olivier Messiaen, cette rencontre et l’invitation à suivre les cours d’analyse qu’il donnait au Conservatoire National de Paris, lui furent extrèmement précieuses. C’est en passant l’enseignement d’Olivier Messiaen au crible de ses aspirations personnelles, en passant ses tâtonnements au crible du contenu des compositions, des écrits, de tout l’enseignement de celui-ci, qu’il commença à voir plus clair dans les problèmes qui se posaient à lui.
Le travail d’inscription sonore, effectué ainsi pendant les trois années passées au cours d’Olivier Messiaen, et la période qui suivit où il vit qu’il ne pouvait plus apprendre quoi que ce fût auprès de lui, lui firent comprendre toujours plus clairement que ce qu’il cherchait à inscrire et la façon dont il cherchait à l’inscrire s’écartait sensiblement de la façon de composer en usage autour de lui. Il découvrit ainsi que ce qu’il voyait et s’efforçait d’inscrire au mieux comme étant de la musique, n’appartenait pas à proprement parler au langage appelé en Occident et en Orient “musique”, mais devait être réalisé dans une expression sonore différente, tributaire d’une discipline différente... “En vérité, toute ma vie durant j’ai cherché l’appareil transcriptif susceptible de rendre l’anté-sonore tel qu’il apparaît dans sa vision globale, hors du temps et peut-être de l’espace. D’où des tempi et des éléments structurels toujours identiques - mais qui n’ont rien à voir avec de la musique répétitive...”
Ainsi Jean Catoire, dans son travail de recherche sonore, différencie-t-il deux sortes de compositeurs : ceux dans les oeuvres desquels il apprend et ceux dans les oeuvres desquels il n’apprend pas. Le premier cas peut concerner des compositeurs dont l’esthétique, les idées, les convictions sont à l’opposé des siennes propres comme ce fut le cas, par exemple, pour Olivier Messiaen mais dont il saluera l’immense don, capable d’opérer dans ses oeuvres “une véritable vaticination musicale, réalisée dans ce qui n’existe plus au XXe siècle, à savoir un moule sonore qui lui est propre, personnel”.